Le Parler Gras, lettre C

Cabanon : Résidence secondaire sans confort près des calanques, haut lieu de consommation de liqueurs anisées et de siestes crapuleuses. Un simple cafoutchi peut servir de cabanon, pourvu qu’il soit bien situé.

Cabestron , cageot , boucan , cabinet , chagasse : expressions réservées à la description peu flatteuse d’une cagole.

Cacou , cake : Nombreux sont les sociologues foireux et autres entomologistes de salon qui ont dévidé des kilomètres de glose ampoulée, de galimatias amphigouriques et autres spéculations spécieuses sur ce merveilleux emblème local. Si l’on pouvait circonscrire en une seule phrase l’univers superlatif et bigarré de cet étalon archétypal du mâle marseillais, on pourrait simplement dire que c’est un genre de mia qui fait un peu le bouffon.

Cafi , clafi : farci, garni, rempli, à bloc : les chiens-bordilles sont le plus souvent cafis de langastes, mais ça, tout le monde le sait.

Cafoutche , cafoutchi : Débarras exigu dans lequel on peut planter le bronx à l’aise. C’est pas grave tant que la porte est bien fermée.

Cagagne : Il peut être de bon ton de glisser négligemment dans les dîners mondains que la cagagne est souvent le résultat d’une hypersécrétion du rectosigmoïde réactionnelle à la stase fécale, surtout au moment du dessert. N’en abusez pas trop quand même. La cagarelle en est sa variante primesautière plus festive.

Cagole :

Le Parler Gras

Max Pennachiotti : « La Cagole à l’Enfant », Fin XVIIème, Pinacothèque des Aygalades. Avec l’aimable autorisation de Léonard de Vinci.

Hétaïre du trivial maintes fois mythifiée, quintessence d’un stéréotype qui confine au sublime, disséquée, glorifiée, célébrée à l’envie par les chantres de l’ethnologie locale, icône d’une féminité idéalisée aux quatre coins de la Galaxie mais jalousée par ses ersatz, magnifiée pour les esthètes par ses talons compensés, son rouge à lèvres bon marché et son chewing-gum baveux, la cagole et ses avatars, voire ses isomorphes sémantiques que sont la cagoline , la cagolette et la cagolasse , reste et restera pour l’éternité la pierre angulaire, l’alpha et l’oméga de l’univers fantasmatique du mâle marseillais en rut, la seule qui pourra étancher de sa seule présence son inextinguible soif d’absolu. Rideau.

Calu : Les calus sont un peu fadolis. Il faut les pardonner.  » Bienheureux les calus et les fadolis, car le Royaume des Cieux leur est ouvert  » (Evangile selon Mèhu, XV,II)

Cambalé : Embarqué en vitesse pour des cieux moins cléments. « Pour quelques malheureux milliards, moins cinq je me faisais cambaler par les condés ! Heureusement que je connais du monde !  » (Bernard T., homme d’affaires des années 80 pour l’instant à la retraite).

Camphrer : On se fait camphrer quand y a fracassade. On a plus de risques de se faire camphrer quand on est une bouche. C’est normal. Il faut pas énerver les gens.
 » Putain ! Je me suis fait goper par ces calus de condés, y m’ont camphré, fada ! Tout ça parce que censément, j’avais le coffre de Béhème cafi de trucs tombés du camion ! « .

Cané : Indicible état d’épuisement qui chope à la gorge nombre de locaux dès la première heure de boulot. Sans déconner : pour lutter contre l’absentéisme galopant dans les administrations à Marseille, un sieston à l’heure et à la demie devrait être intégré d’office dans le paramétrage des postes de travail. ( Allez, c’est bon, on va se faire encore des amis…)

Canon : Le canon (ou bloc, ou bombasse), est le strict antinomique du cageot. Voir tromblon et ses équivalents.

Cannette , cannillon , palangrotte : les outils de travail du hardi pescadou . Arrivent sur sa liste juste après la bouteille de Cassis bien frais.

Capèu :  » Chapeau « , en provençal.  » Ho blond ! L’as paga lou capèu ?  » En général, non.

Caramentran , Caramantran , calamantran : De l’ expression  » carême-entrant « . C’est le pantin brûlé sur l’autel de la vindicte populaire à la fin du carnaval. Dans la vrai vie, même vêtu d’estrasses ou d’habits voyants et dépareillés, le calamantran échappe au bûcher. Tant pis.

Caraque : dénomination locale permettant de mettre dans le même sac tous les individus un tant soit peu basanés au look de voleur de poules qui s’enferment à vingt-cinq dans une caravane pour jouer djobi-djoba à fond la caisse sur de vieilles grattes exténuées.

Castapiane : Pour les totis et autres tchoutchous du Marseillais Littéraire, la castapiane, maladie tellement honteuse qu’elle ne figure sur aucune revue scientifique parisienne, peut s’apparenter ici à une forme mutante locale de la blennorragie, en pire.

Chaler : Cambaler quelqu’un à l’arrière de son vélo, de son Peugeot 103, de sa Malaguti ou de son Ciao (ça existe encore ?) . Du provençal chala, jouir d’un beau panorama.

Chanu : Qualifie un truc trop dégaine, trop en place, vraiment en question. Que dire de plus ?

Chaple : Foutoir d’origine indéterminée, ce terme évoque un grand boxon saupoudré ici et là d’un zeste chaos. C’est en quelque sorte une espèce de ouaille en plus hard. Le cousin naturel du chaple est le pàti. Chez nos amis scientifiques, le chaple primordial se dénomme Entropie, fruit de la subtile et éternelle dualité de la nécessité et du hasard. Sachant que l’entropie = – (p0 log p0 + p1 log p1), on peut affirmer sans hésitation que la complexité d’un système donné est directement proportionnelle au degré de détails que ce système montre à des échelles de plus en plus petites. Autrement dit, il est impossible de refaire des œufs avec une omelette… Se référer aux travaux d’Ilya Prigogine (Contribution à la chimie des processus irréversibles des structures dissipatives), prix Nobel de Chimie 1977.

Charclade : Un peu comme la filade, c’est une saine explication virile dont on ressort le plus souvent assez fracassé (d’aucuns diraient cafi de dufis.)

Chasper : Du Provençal chaspa, palper, peloter. Avis aux débutants : quand on fure, sachez qu’il est de bon ton d’agrémenter le tableau d’un soupçon de chaspade.

Le Parler Gras

Chèchou : Sorte de bada amélioré. De moins en moins usité, ce terme venant du provençal donne dans le sens de rallonge, additif, supplément, surcroît, adjonction, surplus, excédent, pléthore, et le reste.

Chichi : Le chichi est le cousin du chimbre.
 » Le chichi a meilleur goût quand il est frégi  » (Michèle Torr, Etudes pratiques de l’Instabilité Structurelle, thèse d’Etat d’herméneutique absconse et d’ épistémologie biaisée en contextes hétérogènes, Roquefort-la-Bédoule, 1952).

Chichibelli : Non, ça n’est pas quand on a le chichi qui sort du pantalon. Le chichibelli se trouve habituellement chez le mec mal embraillé, et c’est le bout de chemise qui dépasse.

Chichi-frégi : Le must gastronomique de l’Estaque, beignet bien huileux de conformation évocatrice, réservoir inépuisable de fantasmes oraux inavoués. Consacré dans certaines sphères comme le symbole eucharistique d’une nouvelle ère spirituelle par le paradigme de la transsubstantiation appliqué aux beignets sucrés, comme indiqué dans certaines traductions apocryphes de l’épître de Saint Paul aux Corinthiens (11.23-24). En poussant plus loin, il n’est pas déraisonnable de penser que le concept même de chichi-frégi participe de la tension paradoxale existant entre singularité de l’Universel et modalité de l’Universel sans concept.
(Putain, ça part vraiment dans tous les sens.)

Le Parler Gras

Chien des quais : Le chien des quais de base peut occasionnellement se comporter comme un tchapacan.

Chouner : Faire le couillesti dans les vagues quand on est minot (ou plus minot, d’ailleurs), comme le dépeint Fortuné Cadet, barde phocéen des années trente dans  » Etre marseillais  » :

Mais, être Marseillais – ô bonheur sans égal !
C’est naître en plein soleil, par un coup de mistral
Dans la plus belle ville et sans y prendre garde,
Voir, en ouvrant les yeux, la Vierge de la Garde !
Que l’on soit du Canet ou de la Porte d’Aï,
C’est grandir en tétant un quignon frotté d’ail ;
C’est aimer son quartier où, niston on fourmille
En jouant à la raie, à morpion, ou aux billes ;
C’est tailler son école ; aller en tourbillon
Chouner aux Catalans ; faire le bataillon ;
C’est marcher dans la rue plus fier qu’un santibelli
Et montrer aux passants un vaste chichibelli ;
C’est, lorsque l’on devient un jeune, un peu plus tard ;
Etre un type à la coule et aller au pétard ;
C’est aimer simplement nos petites nistonnes
Avec leurs yeux de braise et leurs airs airs de madones ;
Aller au baletti, faire les petits pas ;
Filer la rente à Choise entre deux mazurkas ;
Se saper en rupin, se coiffer d’une bâche ;
Faire voir que pour tout on est à la renache ;
Mangea tres sou de muscle en passant sur le Quai ;
Avoir du bon pastis dans sa piaule planqué,
Dégotter une rague où le roucaou y pite ;
Avoir des mouredus, des piades qui s’agitent ;
Savoir faire avec art un aïoli puissant,
Une rouille, un coulis, surtout, avoir l’assent !
C’est aimer le soleil, notre belle Corniche ;
Balader en tramways auprès d’une bibiche ;
Aller au cabanon ; pas forcer le jeudi
Et pour se reposer, l’Alcazar le lundi ;
C’est la mer, la jetée et notre Canebière ;
On a beau la chiner mais elle est là, très fière,
Elle commence au Cours pour finir à Pékin.
Et le ciel le plus bleu lui sert de baldaquin !
Ah ! vous pouvez blaguer les gens de la Provence,
Notre langue est de race, elle tient de France ;
Si l’on met pas les points sur le i en parlant,
Nous les mettons ailleurs quand on est insolent.
« Té mon bon ! » « quès aco ? » sont des mots hors d’usage ;
Le Marseillais, peut-être, est simple en son langage,
Mais il est naturel, sincère, honnête et franc
Et ne dit jamais : Noir quand il a pensé : Blanc !
C’est accrocher partout un peu de sa jeunesse
En galéjant toujours et, quand vient la vieillesse
S’en aller lentement d’un pas triste et lassé
Vivant les souvenirs d’un si joyeux passé
Avec sa bonne vieille à qui l’on est fidèle
Puis, un soir sans regrets, c’est fermer la parpelle
Dans ce joli pays aux coins ensoleillés…
Et voilà ce que c’est que d’être Marseillais !

Voilà. Affection et respect pour notre ami.

Coucarin :  » Quelque chose « , avec une notion de grosse quantité.  » Fatche de, on leur a carré coucarin dans la tronche au PSG, hier soir ! « … Enfin une phrase qui redonne un sens à la vie !
Amis pointilleux, sachez qu’il est communément admis que coucarin, c’est approximativement 1, 048 576 106 fois en pagaille, et très exactement 3,14116 moulons, ou juste un peu plus (environ). Et ceci avec un rapport de 22n+1 moulons pour une quantité équivalente de pétons, toutes choses étant égales par ailleurs, cela va sans dire.

Croille : Du provençal cròio qui désigne l’arrogance, la morgue, l’effronterie de celui (ou celle) qui s’en croit.  » Non, mais t’as vu la croille qu’elle se paye cette radasse depuis qu’elle sort avec le voisin de palier du coiffeur du cousin de Michèle Torr ? Tu crois pas que non ? Elle me calcule même plus ! ». Comme quoi suffit de pas grand-chose à certains pour se la jouer à fond. Tant mieux pour eux.

© Les éditions du Fioupélan